6 Décembre 2016
Sa mère à elle, la petite dernière, la fille, est à la fois enveloppante et observatrice, bienveillante. Elle la laisse faire ses choix et expériences, la plupart du temps, et ne la punit que très peu. Mais la punir de quoi, cette enfant qui reconnaît volontiers ses bêtises et les répare ? Elle l'écoute raconter des histoires et refaire le monde. Elle la câline et la caresse. Elle se réjouit de son indépendance d'esprit et s'inquiète pour son avenir de femme dans ce monde d'hommes.
Sa mère à lui, le petit frère de l'un et le grand frère de l'autre, est à fleur de peau, toujours sur le qui-vive. Cet enfant qui est lui-même toujours sur le fil du rasoir émotionnel a le don de la pousser au-delà des bornes de ses limites en un millième de seconde. Avec lui, elle a l'impression de ne jamais savoir ni que faire, ni que dire. Les règles changent en permanence. Elle voudrait au-delà de tout se montrer compréhensive, rassurante, douce et sereine. Mais c'est sa part animale qui s'exprime dans sa relation avec lui. Elle voudrait le protéger de sa naïveté, enlever tous les obstacles de sa route mais elle doit se résoudre à le laisser vivre ses propres expériences et à encaisser la tempête de ses difficultés. Mais elle est fière aussi, car il se montre vaillant et construit sa réussite, pas à pas.
Sa mère à lui, le premier né, est parfois désemparée, souvent fière et admirative. Quand elle le seconde trop, il lui rappelle qu'il n'est pas un bébé ; quand elle lui laisse trop d'autonomie, il la taxe d'indifférence, voire pire, de désamour. Malgré ses silences, elle arrive à le comprendre (dans les grandes lignes) car ils partagent de nombreux traits de caractère et qu'elle devine comment il fonctionne. En conséquence, elle a parfois une trop grande tendance à la projection, ce qui donne lieu à de vives discussions. Forte de sa confiance en lui, elle le laisse vivre sa vie librement et s'applique à se monter présente, en cas de besoin, à l'écoute.
Leur mère à eux ne se précipite pas pour le moindre bobo, ne les emmène pas chez le docteur quand ils ont de la fièvre, ne leur téléphone pas 3 fois par jour quand ils découchent, les laisse porter des pois avec des rayures, des manches courtes en hiver et des écharpes en été. Elle n'aime pas jouer, passe beaucoup moins de temps qu'elle le voudrait à partager des activités manuelles ou des jeux avec eux. Elle les houspille sans raison quand elle est fatiguée et ne veut pas savoir qui a commencé. Elle fait même passer son petit-déjeuner, demie-heure sacrée de la journée, avant le leur. Elle les laisse sauter, jouer, grimper dans les gradins des gymnases et dans la rue.
Leur mère à eux peut se montrer contradictoire, répétant inlassablement de nombreuses instructions pour finir par faire les tâches elle-même, tout en leur assénant méchamment qu'ils sont les pires enfants au monde.
Leur mère à eux s'émerveille et s'étonne régulièrement, pas de petits riens comme on le fait pour des tout-petits, mais de leurs traits d'humour, de leur intelligence, de leur aisance dans beaucoup de situations diverses, de leurs réflexions sur la société, la vie, la mort, etc., de leur capacité à s'adapter, à se montrer compréhensifs...
Leur mère à eux, d'un avis général, est profondément injuste car elle préfère l'autre, quel qu'il soit.
Mais la mère qu'ils ont essaie toujours de faire de son mieux, pour qu'ils se rappellent toujours qu'ils peuvent compter sur elle en toutes circonstances, et surtout en situation de crise. Elle garde l'espoir qu'un jour, peut-être, plus tard, ils ne lui tiendront pas (trop) rigueur de ses indélicatesses et qu’ils n’en garderont pas (trop) de séquelles.
Femme de prof, mère de deux Scarabouils et d'une Grenabée, je dépose ici les aléas et anecdotes qui feront les souvenirs de notre vie de famille
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