Libérer de l'espace [jdc]

Passer du temps chez soi permet d'ouvrir les yeux sur ce qu'on ne voit pas d'habitude : le bazar, partout, tout le temps, dont on s'accommode tant bien que mal, quand on ne peut justement pas prendre le temps de faire le point dessus. Le bazar, ou plutôt plein de petites choses accumulées, plus ou moins indispensables.

En ces temps de confinement, comme on ne peut pas sortir entre les devoirs des enfants et les classes virtuelles des parents, on s'attaque au fameux bazar. D'abord ça occupe sainement, puis ça libère (ou pas). 

Quand le bazar n'est pas nécessaire, le jeter libère de l'espace dans la maison et dans la tête. Quand il est utile mais dispersé, il convient de le ranger ; on libère ainsi son champ de vision d'un désordre dérangeant. 
Mais il arrive qu'il soit entre deux. Sans utilité pratique mais pourtant indispensable. C'est la petite chose sans intérêt qui incarne des souvenirs, des moments, des impressions inestimables, qui ne fait rien d'autre que prendre la poussière mais dont on n'arrive pas à se séparer, de peur d'oublier ce qu'elle cristallise.

Trier, se débarrasser du matériel pour mieux respirer, comme on ferait une mue, et ranger le souvenir dans l'une au l'autre des innombrables cases de la mémoire, en dormance. 
Trier, se débarrasser pour grandir aussi, parfois dans la douleur. Arriver à se dire que se séparer de ce chariot de marche ou ce pupitre de sa prime enfance non seulement ne l'amputera d'aucune partie de lui-même mais lui permettra de se libérer de ses fantômes.