Premier sang

Dans "Premier sang", Amélie Nothomb se fait la voix de son père. Elle se glisse dans sa peau pour en narrer la première partie de sa vie, de l'enfant en manque cruel de son propre père, dont il est orphelin très jeune, et d'amour et de reconnaissance de la part de sa mère, veuve éplorée .qui ne vit plus que dans le souvenir idéalisé de son défunt mari. Il est élevé par ses grands-parents maternels, entre une Bonne-Maman qui le couve tendrement et un grand-père général qui n'a de cesse de vouloir l'endurcir. A cette fin, il est envoyé régulièrement en vacances dans le château de son grand-père Nothomb, mauvais poète, patriarche défaillant et despote tyrannique. Il vit là à la fois sa pire et sa meilleure vie, parmi de nombreux oncles et tantes de sa génération, livrés à eux-mêmes, qui luttent au quotidien pour se nourrir et se faire une place dans la meute. Cette enfance sauvageonne est magnifiée par les mots de l'auteur. Ce n'est plus la misère crasse mais une véritable aventure, une quête. C'est à la fois à pleurer et admirer.

A l'âge adulte, l'enfant devient consul de Belgique. Il est au cœur d'une immense prise d'otage lors de sa première mission au Congo. Et c'est l'alliance entre la douceur et l'intelligence développées du côté maternel et la résistance physique et morale acquise de haute lutte du côté paternel qui lui permet de sauver un certain nombre de ses concitoyens et sortir vivant de cette épreuve.

Le roman annuel d'Amélie Nothomb, je l'aime parce que c'est le roman du lendemain de Noël. Je l'aime aussi pour son ton décalé, son art de rendre fantastique et drôle un quotidien ordinaire et triste. Je l'aime encore pour l'emploi d'un vocabulaire désuet ou suranné, parfois franchement ampoulé mais si naturel qu'on a l'impression d'évoluer dans une dimension augmentée, où tout est de première importance sans être grave, ou l'inverse.