17 Mai 2023
Parmi mes lectures de vacances de printemps (3 en 2 semaines, c'est à marquer d'une pierre blanche, tant mon rythme de lecture s'est dégradé ces dernières années), la dernière est issue du hasard. Nous étions avec le moyen Scarabouil dans la petite librairie de La Grande Motte à la recherche d'un volume de "Chair de poule" (car, non, il ne lit pas que des mangas) et comme je m'attardais sur les étals, il m'a mise au défi de choisir un livre. "Puisque tu me dis toujours de lire, pourquoi tu ne le fais pas ?" (faites des gosses et vous serez systématiquement mis face à vos contradictions...).
Certes. Mais lequel ? Je reconnaissais quelques couvertures aperçues sur les réseaux sociaux mais ma mémoire de poisson rouge ne m'étais d'aucune utilité pour identifier le ou les titre(s) qui avaient brièvement retenu mon attention à la lecture (certainement trop superficielle) des posts. Alors, je l'ai jouée à la Grenabée : j'ai pris 3 titres au hasard qui me disaient vaguement quelque chose, fermé les yeux, tendu mon doigt et demandé à mon acolyte de me dire "Stop !".
C'est tombé sur "Ciao Bella" de Serena Giuliano. Encore une auteure inconnue pour moi. De ces auteures émergées des réseaux sociaux qui font recette, avec plus ou moins de talent, avec une pointe d'humour, un zeste de bons sentiments et une très forte dose de l'injonction très actuelle "Quand on veut, on peut, il suffit de croire en soi."
Oui, mais non.
L'histoire : Anna, une jeune femme pétrie d'angoisses et de peurs, commence une psychothérapie à l'occasion de sa seconde grossesse, qui lui rappelle de très mauvais souvenirs, la première ayant été assez traumatisante. Elle a un tempérament exalté, le sens de l'auto-dérision et de la démesure. Elle ne mâche pas ses mots et les dit fort, peut-être pour étouffer la petite voix intérieure, celle de l'enfant qu'elle était dans son Italie natale et lui murmure les blessures de l'enfance. On découvre une enfance sans tendresse, loin de la dolce vita, un déracinement brutal, la difficile condition d'immigrée, la violence, les peurs. Une relation de confiance s'instaure entre l'héroïne et la thérapeute, qui semble dépasser les limites du lien patient-praticien. Elle permet à Anna de surmonter certaines de ses peurs et de s'accommoder des autres, de sortes qu'elles ne lui gâchent plus complètement la vie. Libérée de ce fardeau, elle se donne les moyens de réaliser son ambition : vivre d'écrire.
Ce roman n'est pas déplaisant à lire, en soi. Mais est-ce le fait de l'avoir lu en pointillés (à peine rentrés à la maison, la routine domestique et mes "mauvaises" habitudes ont repris le dessus sur mon temps de loisir) ? Est-ce mon esprit rebelle de contradiction ? Est-ce mon côté ronchon ? En tout cas, je n'ai pas très bien reçu le message transmis, qui se veut clairement positif mais que je trouve culpabilisant par certains endroits.
Encore un récit qui veut nous faire croire qu'un quidam ordinaire peut réaliser assez facilement de grandes choses. D'abord, je pense qu'il faut justement sortir un peu de l'ordinaire pour y parvenir, avoir "le truc" en plus, qu'il s'agisse d'une force de caractère ou d'une histoire personnelle particulière (ce qui est le cas de l'héroïne - et de l'auteure soit dit en passant). Et la réussite, ce n'est jamais de la magie. Du travail, des concours de circonstances favorables, de la persévérance, du travail encore, oui.
Et surtout, encore un récit qui nous impose l'idée que la réalisation de soi, pleine et entière, n'est possible que si l'on parvient à allier métier et passion. Oui mais non. C'est une vie rêvée, certes, mais ce n'est pas à la portée de tout le monde. Sinon, je pense qu'il y aurait des centaines de métiers qui ne seraient plus du tout exercés et m'est avis que la bonne marche de notre société en prendrait un coup de n'avoir que des gens qui font des activités créatives, artistiques ou intellectuelles. En outre, contrairement à ce que la propagande actuelle prétend, la travail n'est pas une valeur, un moyen ou un outil, oui, mais pas une valeur (même si on a à cœur de le faire du mieux qu'on peut). Le travail, ce n'est pas la vie (ni la santé, d'ailleurs, ça se saurait). Le travail, ce n'est pas l'identité (la preuve, on peut exercer plusieurs métiers très différents). Le travail, ce n'est pas la valeur d'un être.
Bref, j'ai ri, souvent mais parfois jaune ; je me suis posé des questions existentielles... et ce livre m'a filé des angoisses (comme si je n'en avais pas assez !).
Femme de prof, mère de deux Scarabouils et d'une Grenabée, je dépose ici les aléas et anecdotes qui feront les souvenirs de notre vie de famille
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